Au nom de Sarah by Armel Veilhan

Au nom de Sarah by Armel Veilhan

Auteur:Armel Veilhan [Veilhan, armel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: la shoah et le gouvernement de vichy
Éditeur: Ex Aequo
Publié: 2016-09-19T00:00:00+00:00


***

4.1

Le long des grilles du parc Monceau, il y a quelques jours encore, des nuées d’enfants cavalaient dans les allées d’arbres fraîchement vêtus de leur nouvelle garde-robe de printemps. À travers les hautes grilles, je regarde cette symphonie de verts et d’argent, de jaunes et de roses, de rouges flambants. Des petits paradis de cotons s’effilochent dans l’océan du ciel et de temps en temps, au loin, le bruit d’un moteur me rappelle l’existence des automobiles. Mes yeux impressionnent les couleurs, mes oreilles frémissent aux bruits des feuilles, je sens la caresse de l’air sur ma peau, la sève du printemps lever jusqu’à ma poitrine. Plus loin sur la place des Ternes, le kiosque à journaux est fermé, et fermé aussi le marchand de fleurs. Tous, ou presque, sont partis sur les routes de l’exode, abandonnant derrière eux une ville dépenaillée et résignée à être profanée. Je marche à travers les rues, encore et encore, je marche au hasard de mes pas qui finissent par me déposer juste au-dessous de l’appartement de l’Avenue des Ternes. Le voulais-je ? Les hautes fenêtres du quatrième étage sont éteintes, les volets clos. Je m’immobilise, espérant voir la lumière s’allumer comme autrefois. Je pousse la lourde porte de l’entrée.

— Mam’zelle Maryvonne. Ça alors !? clame la concierge en surgissant de sa loge tandis que je finis de m’engouffrer dans le couloir couvert de marbre rose. Si vous venez pour Monsieur et Madame Savetti, ils sont à la campagne. Vous n’étiez pas au courant ?

Je dénie d’un léger mouvement de tête.

— Mais entrez, ma fille, ne restez pas là dans le mauvais air à attraper du mal. Mon mari ne va pas tarder. Vous prendrez bien un petit verre ?

— Merci, je passais par hasard. Je suis juste venu prendre des nouvelles.

— Avant la mobilisation, je revoyais encore chaque semaine le Colonel, et puis il m’a demandé de fermer l’appartement. Je n’ai même pas de loyer à percevoir, il appartient au Ministère des armées. Pour le gratin bien sûr, pardonnez-moi l’expression et depuis…

— Vous avez...

— Je crois qu’ils se sont installés vers Pontoise, m’interrompt-elle aussitôt. Attendez, je l’ai peut-être noté quelque part poursuit-elle en extirpant de la commode un carnet orné de vilaines taches. Vous êtes sûre que vous ne voulez pas boire quelque chose ?

— Non, vraiment merci…

— Toujours aussi sérieuse, ah ça, y a pas à dire ! Voilà ça y’est, regardez, ils sont à Magny-en-Vexin, près de Pontoise comme je vous le disais ! Tenez, vos jeunes yeux sont meilleurs. Évidemment, ils n’ont pas le téléphone dans leur campagne. Déjà qu’ici c’est pas donné à tout le monde, hein ?! Cinq ans qu’on a demandé la ligne, si c’est pas une honte ! J’en avais parlé au Colonel… Tenez asseyez-vous. Vous n’êtes pas pressée ? Oh ça me fait plaisir de vous voir Mam’zelle Maryvonne. Monsieur m’avait dit pour votre agrément.

— Mon agrégation.

— Pardon, je trouvais plus le mot. Mes compliments ! C’est qu’on vous a regrettée. C’est que la Claire qui vous remplaçait là-haut, c’est pas une blanche colombe… ah, ah, enfin



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